Le rituel du dimanche, c’est la messe, rares sont ceux qui y échappent.
Nous entrons dans l’église , nous quatre enfants suivant notre mère comme des poussins une poule. La messe est déjà commencée et un silence, organisé par le prêtre, se fait. Nous prenons nos places sous les regards pleins de reproches des bigotes et de leur meneur. Ce que ne savent pas ce curé et sa cour, c’est que ma mère a fait la traite d’une trentaine de vaches à la main, nous a lavés et habillés.
Mon père nous emmène puis, comme beaucoup d’hommes, va au bistrot nous attendre. Il y a cinq bars dans le village c’est vous dire le choix ! Cette religion est faite par les hommes pour les hommes, ceux-ci s’affranchissent facilement de ce joug.
Contrairement les femmes sont éduquées pour obéir à une tradition. La plus part de celles-ci ont leur vie rythmée par ce dogme. La religion catholique est une des plus terribles, elle stigmatise tout plaisir et escapade si bien que vivre est un devoir et une rédemption à demander à chaque instant.
Petit, je suis naïf en regardant le curé « servir la messe » je pense à une fonction divine. J’entends parler de miracle et suis subjugué par cet homme ayant les pouvoirs d’en faire. Bien sûr on me dit qu’il est habité par Dieu mais j’attends toujours le moment où Celui-ci va apparaître. Le fait d’être dite en latin ajoute à cet étonnant mystère. Je suis naïf c’est vrai, ça me joue des tours, mais j’aime quand même que des choses extraordinaires, comme changer l’eau en vin, se produisent devant moi. Cette fascination s’est évanouie le jour où, trainant sur la place du village à rêver comme d’habitude, le prêtre me prend par le bras et me déclare : « tu vas venir avec moi ; j’ai besoin d’un enfant de chœur pour un baptême! » Je ne me sens pas investi de cette mission je n’en ai pas le droit ! Ai-je eu envie de lui rétorquer mais il m’a surpris en finissant sa phrase : « tu verras c’est rien ! » « Ce n’est rien ! Me suis-je pensé comment est-ce possible ? ». Effectivement le baptême s’est passé, j’étais sur la scène des opérations et il n’y a pas eu de miracle. Depuis je ne suis plus fasciné et m’ennuie d’autant plus.
Ma hantise c’est la confession. Il faut avoir des péchés à avouer, je ne peux pas entrer dans le confessionnal en disant « je n’ai rien à dire ! » Cela aurait fait preuve d’orgueil, péché capital pour le coup. Il faut donc inventer des petits travers pour donner à « manger » au rédempteur. Je m’en sors avec deux Ave et un Pater comme s’il y avait un barème pour chaque péché ; le prête devant, avec une calculatrice, faire le compte. Pour un péché de chair le compteur devait exploser. Péché de chair ! C’est bien une invention de l’Église pour contrôler ce petit monde qui, pour certains, ne pourrait pas vivre sans lois dictées par une instance supérieure. Un dogme établi par des hommes qui ne sont pas sans reproche eux.
Petit à petit la messe est devenue une obligation et j’attends étape après étape que cela se termine pour être libre. Je découvre tout ce décorum et n’y crois plus du tout. De plus je vois des personnes descendre la nef, les mains jointes et la tête basse ; des gens qui, dans la vraie vie, ne sont pas si humbles que cela. Je me dis que Dieu lave plus blanc, qu’il suffit de s’absoudre de ses péchés pour repartir immaculé. Cette religion a maté beaucoup de bonne volonté. Nous naissons pécheurs ; faut faire amande honorable ; ceux qui prennent ces idées à la lettre ne sont pas libres et se donnent des barrières leur empêchant de jouir de leur vie. Se défaire de cette emprise qu’on nous inculte petit est compliqué je le comprendrai plus tard. Mon premier enfant né, je déclare à mon père que je ne le baptiserai pas, quelle ne fût pas sa colère, je ne m’y attendais pas. Lui me disant qu’on ne peut pas élever un enfant sans une instance supérieure et moi lui répondant que nous voulions avoir toutes les clés en mains pour, ma femme et moi, décider de son éducation. Ne voulant pas me fâcher pour des choses en lesquelles je ne crois pas je baptise mon enfant; pour mon père.
La religion est si insidieusement ancrée en nous, que plus tard encore je me verrai prier Dieu pour mon enfant malade. Cette prière sera forcée, du genre de dire qu’il faut tout essayer. Je n’y croirai pas car étant dans un hôpital pour enfant il faudrait une sacrée dose de croyance pour demander à Dieu de guérir tout ce petit monde innocent de péché.
Je ne serais pas complet, si j’omettais le fait que dans les années cinquante/soixante les curés ont un rôle social. Les Jeudi nous allons au patronage, peu ou pas d’associations existent ce sont donc les prêtes qui occupent les enfants pendant leurs loisirs. Pendant les grandes vacances je vais « en camp » organisé par le curé et j’en garde un bon souvenir ne me rappelant pas d’un prosélytisme de la part des membres de l’église. A noter que ces camps étaient essentiellement masculins ce qui conforte mon propos du début.
Combien de gens sont morts et meurent encore aujourd’hui pour cause de fanatisme de différentes religions?