Ce matin je prends le métro pour aller au travail.
Comme tous les matins d’ailleurs. Je n’ose compter combien de fois je l’ai fait, cela me donne le vertige d’y penser; d’ailleurs combien de fois faudra-t-il le faire pour arriver à la retraite?
Je préfère partir plus tôt pour être tranquille, sinon c’est la cohue on est pressé dans les deux sens du terme ; des odeurs mélangées vous soulèvent le cœur, l’estomac se rappelle à vous d’avoir avalé trop vite votre déjeuner.
Le métro vous endort, vous y rentrez en pleine forme, vous en sortez comme dans un rêve. Pour cette raison, j’aime sortir deux ou trois stations avant mon terminus afin de parcourir le restant du voyage à l’air libre, libre de mes mouvements, libre de mes pensées. Je me rappelle d’une époque où j’allais à pied au travail, deux kilomètres à parcourir et l’impression d’être reconnu sur mon parcours par les commerçants et habitués. Là, le métro est la promiscuité avec l’anonymat. Je regarde pourtant les usagers et en reconnait quelques uns, parfois je vole un sourire à quelqu’un qui, surpris, se réfugie dans son journal.
Il m’est arrivé de penser descendre à une station au hasard et passer la journée à flâner et visiter ce qu’il y a là-haut. Mais le travail m’appelle et il faut bosser, mon éducation, notre éducation, dés l’école, est faite pour cela. On ne peut penser une vie sans travail ; moi, ado, j’y pensais.
A la question :
« Que veux-tu faire comme métier ? »
Poli, je répondais :
« Je ne sais encore ! » Mais pensais :
« Rien ! Pourquoi faudrait-il passer sa vie à travailler? »
Enfin comme dirait ma mère « tu ne connais pas ta chance d’avoir du travail ! ». Le monde à été conçu par des gens hautement placés qui nous utilisent comme puissance et force de rentabilité. Ma chance à moi est que j’ai réussi à trouver un emploi intéressant. Quand je regarde mes compatriotes de voyage sous-terrain je ne vois pas, chez certains, l’enthousiasme sur leur visage qu’ils devraient avoir pour entamer une journée de leur vie.
Oui, je pense aller flâner de temps en temps comme, en marche vers l’école, traversant la campagne, il me prenait l’idée saugrenue et interdite de prendre un chemin de traverse et glaner des instants bucoliques. Je me serais allongé dans l'herbe, à regarder le ciel bleu sillonné par le vol saccadé des hirondelles. J'aurais vu cette coccinelle gravir un long brin d'herbe et se noyer dans une goutte de rosée restée là comme par miracle. Sentir l'herbe fraiche en écoutant le ramage amoureux des oiseaux ; jusqu'à ce qu'une vache, plus curieuse que les autres, vienne me sentir de son museau mouillé et m'oblige à me lever. A l’époque, je ne l’ai jamais fait, l’éducation encore, l’école buissonnière c’est pour les cancres !
Maintenant mon errance se passe dans ma tète, il m’est arrivé de laisser passer ma station d’arrivée. Ici dans la ville il n’aurait pas été question de champ et d’herbe. Tant de chose, pourtant à faire, visiter musées et rues, s’asseoir à une terrasse de café et pour le coup rire des gens pressés. Se reposer dans un square où les enfants s’ébattent dans un bac à sable ; un de ces enfants vous invitant à participer en vous tendant sa petite pelle. Il y aurait aussi les oiseaux dans les arbres qui discutent et me rappellent ma campagne, mais là, aucune vache ne viendrait me sortir de mes pensées.
Le son strident du métro me sort de mes rêveries , je sors de la rame pour suivre le flot des moutons.
Ce n’est pas encore aujourd’hui que je transgresserai l’ordre établi des choses.
mercredi 13 mai 2020
Flânerie
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