Les Jeudis nous allons à pied chez mémère Germaine, ma grand-mère paternelle, pour manger des crêpes. Nous avons trois kilomètres à faire. Soit par la route, soit à travers champs. Si en cours de route nous rencontrons des gens nous les saluons car nous sommes bien élevés et très polis. Nous avons intérêt, tout le monde se connaissant, si nous ne disons pas « bonjour » les nouvelles vont vite. Les premières fois que je suis allé en ville je ne savais pas comment me comporter quand je croisais quelqu'un sur le trottoir j'avais envie de lui dire bonjour mais on ne faisait pas cas de moi. Une anecdote : en arrivant au bourg un avion à réaction est passé au-dessus de nos têtes, Jacqueline avait eu peur, elle nous dit qu’elle avait failli faire dans sa culotte et cela avait déclenché un fou rire collectif. A cet instant nous croisons un monsieur qui avait une malformation à la tête, il a cru que l'on se moquait de lui et nous a sermonné; nous étions très embêtés de ce quiproquo car loin de nous de se moquer, j'étais déçu que cet homme puisse penser que nous étions méchants mais c'était peine perdue d'essayer de lui expliquer, les faits étaient contre nous et chacun est parti de son côté.
Ma grand-mère a perdu son mari très tôt mon père n’avait que deux ans. Elle a donc élevé seule ses enfants sur une ferme. Elle habite le rez-de-chaussée d’une petite maison de deux étages. Le premier est occupé par mon oncle Émile, ma tante Marie-Louise et mon cousin Jean-Claude qui résument toute ma famille. Mémère Germaine est un peu plus jeune que mes autres grands-parents, plus jeune de caractère aussi. C’est une personne frêle, ses deux enfants font chacun un peu plus d’un quintal, on peut se poser la question « comment un personne si petite a pu engendrer deux enfants pareils ; faut dire que son mari était un grand et bel homme. A soixante-dix ans elle est encore souple, si vous la cherchez il n’est pas rare qu’elle soit dans le jardin en train d’arracher quelles qu’herbes ; pliée en deux à travers les choux vous ne voyez que son postérieur dépasser. Elle se targue de pouvoir encore passer une jambe par-dessus sa tête. J’aime bien cette personne, elle est attentive aux jeunes et si j’avais été habitué je l’aurais prise dans mes bras. J’ai du mal à imaginer sa vie dans un monde masculin, elle seule. Si mon père et ma tante sont des bosseurs on peut comprendre qu’ils ont été formés jeunes.
Les crêpes sont un régal, elles sont faites de farine de blé ou de sarrasin. Nous les saupoudrons de sucre où étalons de la confiture faite maison. Nous pouvons en manger six ou sept pendant le repas. Les produits sont du terroir, la farine vient du blé du champ voisin, les confitures faites des fruits des arbres du jardin, le cidre des pommes que nous avons ramassé, le lait bien sûr de nos vaches, les œufs de nos poules et je pourrais continuer. Seul le sucre n’est pas de notre production.
Nous passons Noël chez cette grand-mère, ma tante habitant à côté fait la cuisine, elle est cuisinière de métier et c’est avec elle que j’apprends à aimer la bonne chair. Nous sommes tout ce qui compose notre famille donc dix à table. Les repas sont interminables, les menus conséquents. Pour nous, enfants, c’est un peu long surtout que l’on doit bien se tenir à table ; mon père est intraitable sur ce fait. Les cadeaux ne sont offerts que le matin suivant ; des cadeaux simples mais l’émerveillement est compris. Je me rappelle un camion vert, plusieurs années plus tard il me semble me souvenir de l’odeur. Le plaisir d’ouvrir le carton fait partie du cadeau et je suis heureux ces jours-là.
Mon seul et unique oncle Emile, est chef d'entreprise de travaux publics, c'est le grand copain de mon père surtout pour la chasse. C’est un personnage attachant et marrant, il a toujours le sourire et fait souvent des blagues. Avec lui je pense que la vie est facile, qu’il faut s’amuser, ne pas s’encombrer de principes ni de retenues. C'est avec lui que j'ai appris à rire.
Mon oncle a un associé et à eux deux ils ont construit une baraque en bois sur une dune au bord de la plage et mes premières vacances en dehors de chez moi, je les passe là-bas. Nous sommes à 20 mètres de la mer à marée haute et la nuit nous dormons bercé par le lent mouvement des vagues venant s'échouer sur le sable. Maintenant on n'a plus le droit de construire une cabane comme cela C'est magique ces balades le long des flots au soleil couchant, les phares balayant la mer à leur rythme différent comme cherchant quelques pêcheurs égarés. Des images de lieux infinis me viennent. J’ai envie de voyages, de contrées lointaines avec des plages de sable fin, des palmiers. Le monde m’appartient. Rêveur!!! Ces jeux dans le sable, ces soirées à quatre sur des matelas à même le sol formant un grand lit. A côté de nous réside une colonie de vacances entourée de grillage, ou les coups de sifflet rythment la vie des enfants. Nous sommes conscients de notre chance d'être du bon côté de la frontière, nous sommes libres. Seule notre tante nous accompagne elle est cuisinière de métier, un plaisir en plus j’apprends à apprécier la cuisine.
mardi 13 mars 2018
Les Jeudis
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« Si j’avais été habitué, je l’aurais prise dans mes bras… »
RépondreSupprimerEt voilà, tout est dit !!!
Et moi d’en « ajouter »…
Quelle pudeur ancestrale paralyse les élans d’un cœur qui se cogne à un corps hermétiquement fermé ?
Quelle « Aura »invisible et infranchissable nous emprisonne comme une bulle ?
Cachez ce corps que je ne saurais toucher, à coups de grands cotillons noirs (retour à nos grands-mères), souliers plats ou sabots à clous…
Les caresses sont en détresse dans nos familles en guenilles de cœur et d’esprit !
Se prendre dans les bras, chez nous ne se fait pas.
Ce n’est pas interdit bien sûr
Mais, va savoir pourquoi ?on n’arrive pas !
Intimité refoulée ?
Timidité déplacée ?
Inimitié cachée ?
Est –ce que çà nous manque vraiment ?
Ou plutôt est ce qu’il y a manque d’amour dans notre vie ?
On a aimé, on les a aimés nos enfants, caresssssés, chouchoutés, embrassés…
Pourquoi grands, c’est différent ?
L’amour, l’affection, l’amitié existent dans la France d’en bas !
L’amour de nos parents
Sans conteste
Même peu exprimé
Était bien présent !
Mais, les timides, les sans mots, aux gestes essentiellement utilitaires, indispensables au travail, à la vie pratique, ne se gaspillent pas.
Nous sommes si éloignés, voire mal à l’aise, face à des gestes affectifs démonstratifs, aux émotions non contenues, parfois sur jouées, aux superlatifs exagérés, au tactile intrusif.
Sourires enjôleur,
Déclarations paternalistes, ou condescendantes, d’une société bas résilles et pochette assortie chemise… (Bon, là je suis un peu démodée !!!Les bobos sont passés par là !)
Enfin voilà
Pourquoi
Moi,
J’embrasse pas !!!
Là, je me reconnais. Alors que maintenant tout le monde s’embrasse et se tutoie, je me surprends à dire « j’embrasse pas » me contentant de faire un signe de la main pour saluer tout le monde. En tous cas j’apprécie toutes ces formes de récits. Je ne peux dire que Bravo
SupprimerDu vécu sans parole
RépondreSupprimerDes écrits sans écoute
Combien de pensées folles
S’éloignent, en déroute
S’envolent
Se dispersent
Se dissolvent
Dans l’univers
Se peut-il
Qu’elles en transforment l’atmosphère ?
Et pénètrent
Catimini
L’esprit
Des hommes au cœur pur
Sauveurs invétérés
De rampants dégénérés
L’aile frissonnante du papillon ici
Ne soulève t-elle pas la montagne là bas ?
…..et Dieu dans tout çà ?????
Peu de choses à ajouter. Seulement à apprécier. D’abord Didier je te suis reconnaissante de mettre à plat tous nos souvenirs même si parfois ils diffèrent des miens, ils se ressemblent. Il faudrait en faire un roman et le publier.
RépondreSupprimerLes commentaires aussi sont géniaux, concis mais surtout quel vocabulaire recherché, choisi avec soin !!!!! Bravo
Je viens de lire les commentaires des commentaires de l'anonyme qui vient en fait de se trouver un patronyme défini par mon vieux surnom de gamine qui m'a toujours suivi: lili!!! je transforme en liline pour lili Nevoux voire lili NEV pour lili neuve!!!
RépondreSupprimerEnfin , faut peut-être pas trop exagérer non plus...
En tout cas merci Berja; 1ere et seule interlocutrice ,avec Didier,par un hasard très bizarre,de petits récits de vie,qui vont vite retrouver l'oubli...
On s'embrasse pas mais l'coeur est là