Le soleil rouge embrase l’horizon, ses rayons illuminent les milliers de gouttes de rosée sur l’herbe et les toiles d’araignée. La prairie recrache la chaleur accumulée de sa terre formant un manteau vaporeux. L’air recèle des relents de moissons mélangés à cette odeur enivrante des débuts d’automne faite de parfum de terre labourée et de feuilles en décomposition. Je prends une profonde inspiration pour me nourrir de ce nectar.
Nous quatre montons dans la voiture chargés de nos sacs. Le véhicule démarre pour sortir de la ferme empruntant le chemin de terre qui nous conduira à la route. Encore enveloppés d’une partie de nos rêves, l’ambiance est calme. Seul mon père, levé depuis plus de 3 heures, est dans la réalité. En chemin je ne perds pas une image de la nature qui dans quelques jours va exploser de couleurs rougeoyantes. Je m’en imprègne sachant que je serais enfermé toute la journée.
Le trajet est court pour arriver sur la place du village. La voiture nous y déverse avec une « bonne journée ! » de mon père en guise d’encouragement. Déjà des petits groupes d’enfants et d’adolescents se trouvent là dans des murmures et quelques rires; en général nous sommes calmes le matin.
Quelques minutes puis un car arrive pétaradant dans un nuage de fumée noire.
Les cars Morand (« les cormorans souri-ai-je ayant attrapé cette maladie du jeu de mot qui ne me quitte plus ») est une petite entreprise de 4 personnes, le père, la mère, le fils et la fille. Les Morand ont un vieux car bleu avec un très long nez (les cormorans !) On en voit dans des films relatant les années quarante et cinquante. Le car qui s’avance est plus petit, adapté au nombre de voyageurs. C’est souvent le fils Émile, vêtu d’une blouse grise et d’une casquette, qui conduit. Le car comme le bonhomme font partie intégrante de l’équipage, le chauffeur étant une pièce, maitresse tout de même, de l’ensemble tant les deux sont de la même génération et du même gris.
Une fois installés le véhicule s’élance pour une nouvelle expédition. Nous empruntons la route qui mène à la grande ville. Le relief est vallonné et toute pente descendante observe le même rituel, le chauffeur coupe le moteur en laissant la force emmagasinée et la déclivité entrainer la machine. Ce n’est que lorsque le car semble s’arrêter que les gaz sont remis. C’est toujours ça de gagner en carburant. Pendant le voyage Émile ne se contente pas de conduire. Il lâche le volant, se lève et attrape la vitre à deux mains afin d’aérer ne reprenant les rênes que lorsque le car tutoie le fossé; range ses affaires sur le bord du pare-brise ; se lève pour donner un coup d’essuie-glace à l’aide d’une petite manivelle; se retourne au moins trente secondes pour sermonner les gens dissipés. Je le surveille attentif à tout ce qu’il fait espérant qu’il reste assis et assidu à sa conduite. C’est peine perdue, deux minutes plus tard il recommence le manège. « Il doit s’ennuyer assis, heureusement que le car connait la route ! » pensai-je.
En chemin nous nous arrêtons prendre des écoliers. L’habitacle se remplit complètement; les gens étant entassés debout. Sur le parcours nous arrivons à la grande montée. Les jours de neige, les véhicules sont souvent bloqués dans le fossé. Émile, lui, sa fierté est d’arriver en haut quelles que soient les intempéries (la conscience professionnelle certainement!). Nous aurions été également fiers si ce n’est qu’une journée de congé pigmentée de bataille de boules de neige aurait pu nous être offerte sans ces exploits inutiles.
On arrive à l’entrée de l’agglomération, là un virage serré permet aux plus grands de se jeter d’un même côté, la force centrifuge aidant, les roues d’un flan du car se soulèvent; avec un peu plus de vigueur le véhicule aurait pu basculer.
La première descente de voyageurs. Un attroupement se forme autour d’une fille qui s’est évanouie. Après enquête, elle s’est coincée le pouce dans la portière en montant. Elle a passé les cinq kilomètres sans rien dire, timidité des campagnes. Une fois la porte ouverte elle n’a pu que s’évanouir.
Le prochain arrêt est pour moi, j’espère toujours que personne nous regarde au dehors; on nous traite déjà de bouseux, notre véhicule ne fait que, sinon aggraver, du moins renforcer les sentiments des spectateurs. Le véhicule repart coupant là le cordon qui me relie à mon environnement familial.
Une journée d’école va commencer.
samedi 3 avril 2021
Départ pour l'école
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Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe me souviens du car. il devait daté des années d'avant guerre. J'en ai pris un comme celui-là une quinzaine d'années plus tard dans la campagne mexicaine....
RépondreSupprimerBravo pour ce récit. Ton écriture est vivante, on peut également être embarqué dans ce car scolaire. Des années 1960. Il faudrait recherché les personnes qui nous accompagnaient. Demande peut être à Christian.
Fautes de frappe impossible à corriger sur le précédent commentaire....dommage mais j'ai vu que j'aurais pu corriger avant d'appuyer sur envoyer.
RépondreSupprimerhttps://encrypted-tbn2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRYcN6JWhDOf9NUTxyYeTFc8Gfw30PSYsJuVg3XGLXvX5Gi_mI8
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RépondreSupprimerc'était sensé faire apparaître votre autocar bleu a la place de cela c'est le diable qui apparaît ?
RépondreSupprimernous sommes a une époque critique ou l'électronique nous pique notre place !
a dieu autocar d'antan !
c'était le Bontemps , ivre de joie même les jours de vent nous étions heureux !
nous regardions passé les chalands au bord du canal de notre enfance , c'était banal mais sa nous faisais rêver de rives lointaines .
plus grand nous pensions atteindre pour le mieux vivre !
http://percheron-international.blogspot.fr/2012/01/presse-toi-vla-les-chvaux.html
RépondreSupprimerj'ai chercher votre autocar bleu sans succès
mai j'ai trouvé quelque chose d'original qui je pense vous plaira
Moi aussi j'ai essayé de copier des photos d'autocars des années 50.Enregistrées sur mon ordi mais impossible à transférer ???
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