mercredi 27 juillet 2016

La mort n’est pas une fin en soi.

  Nous ne savons rien du devenir de la personne décédée, beaucoup de gens en ont tué beaucoup d’autres pour imposer leur façon de voir la mort.
Pour les proches, pour qui le début d’une autre vie commence, ce n’est pas une fin en soi.
Bien sûr la vie ne va pas être bousculée mais cet événement va modifier son contexte et du jour au lendemain il faut intégrer ce changement.
La famille est une chaine avec pour maillons les personnes, quand  le maillon le plus vieux  tombe la chaine reste solide. C'est plus grave lorsque qu’un maillon du milieu tombe, la chaine devient plus fragile.

Nous apprenons beaucoup de nos parents.
Ces dernières années j’ai appris beaucoup sur ma mère. Elle me racontait des fragments de sa vie comme des puzzles à reconstituer. Je me suis posé la question de savoir pourquoi ces épisodes arrivaient parcimonieusement comme s’il y avait de la pudeur et que point trop fallait en dévoiler à chaque fois. Je me suis aperçu malgré tout qu’elle avait vécu de bons moments, ce dont je doutais, en espérant que ce ne soit pas que de la nostalgie. Elle m'a permis de pouvoir raconter certaines histoires.

Maman avait un dictionnaire de dictons implacables qui lui régulait sa vie.
J’en citerai  quelques-uns : Il y a plus malheureux que nous ; à un cheval donné on ne regarde pas la dent, on fait ce qu’on peut pas ce qu’on veut, c’est le bon dieu qui décide, c’est le destin, il faut mériter sa vie enfin ce dernier, je ne sais si elle le disait mais elle me l’a imposé. Je me battais quelques fois avec elle lorsqu’elle lançait ces flèches empoisonnées en lui disant qu’elle pouvait jouer sur le curseur de sa vie et essayer de voir les choses avec optimisme. C’était peine perdue. On ne peut pas donner du bonheur à quelqu’un malgré lui ; juste un peu de confort; c’est un regret que j’aurais.

Cette façon d’être lui a été inculquée dès son enfance je pense, elle a su qu’elle serait la remplaçante d'une sœur décédée. Il n’était pas question de psy dans son monde.  Ce caractère forgé comme un maréchal ferrant tord le fer la poursuivra toute sa vie. En ce qui me concerne en tant qu'enfant peut-être lui manquait-il un peu de fibre maternelle? mais elle a tout fait pour que l’on soit bien.

Elle aura connu la majeure partie de l’évolution du vingtième siècle.

Elle a quitté le monde paysan du 19eme siècle pour entrer en  pleine révolution industrielle. Elle a subi l’occupation allemande dont elle disait ne pas en avoir souffert. Après c’étaient les bonnes années à la ferme ou un monde grouillait avec une convivialité à jamais perdue. A cette époque les parents étaient patron.  Puis la mécanisation est arrivée, les commis et hommes de journées sont partis à l’usine et la banque est devenu le patron (impersonnel comme disait Steinbeck)  Maman a eu du mal à l’accepter elle s’est retrouvée enfermée seule dans sa salle de traite, comme à l’usine, se rappelant la traite aux champs avec les gens chantant et discutant sans arrêt. J'ai appris cette abnégation à cette époque et l'ai vraiment vue basculer dedans. 

On aurait pu la croire réfractaire à l’évolution mais quand ses petits enfants ont débarqués chez elle avec leur GameBoy elle a décidé d’en acheter une afin de partager des choses avec eux. Puis elle a poussé son mari à l’emmener aux cours d’informatique et c’était une fierté quand j’en parlais à mon travail. Elle avait un côté artiste, tricotant des pulls qui ont fait les beaux jours des écoles jusqu'à Paris. Sur l'ordinateur elle confectionnait ses cartes de tables pour les fêtes.

Pour Maman la vie devait se mériter et même dans ses loisirs il y avait une abnégation qui me faisait froid dans le dos.
Je ne voudrais pas la quitter sans me souvenir de son humour sans en avoir l’air. De Nicole sa personne de compagnie elle disait : "elle me raconte la vie à l’extérieur c’est mon Google à moi"
c'est sa dernière blague il y a tout juste quelques jours.

Voilà cette génération a vécu beaucoup plus de choses que nous ne pourrons en vivre et j'espérais encore la questionner sur cette époque car il ne reste plus beaucoup de témoins.
Pour ceux qui croient, maman est partie retrouver son mari avec lequel je me souviens d'un couple heureux et complémentaire.

Dans tous les cas elle doit reposer quiète et en paix avec la vie.

2 commentaires:

  1. oui certainement cette génération que je pense être tout prés de la mienne a vécu beaucoup de choses .
    je me rappelle d'avant la guerre ou mon père me promenait en vélos sur les bord de la marne a Nogent sur marne et a Joinville le pont.
    a la pleine époque des guinguettes , la plus connue étant gégène !Roberte marna chantais le petit vin blanc .
    il y avais aussi beaucoup de bal musette ou Jane chacun chantais sur le thème rencontres amoureuses.
    il ni avais pas de voiture automobile , les oiseaux en ville était un concert permanant !
    enfant nous faisions du patin a roulettes sur la route .
    je ne sais pas ci vous connaissez la banlieue est du département de la seine ?
    je vous parle de Créteil les "émouleuses" première construction de hlm après guerre en banlieue la ou maintenant arrive le métro !
    a la station il y avais une ferme dans laquelle j'allais travaillé enfant ramassé les petits pois ou haricot!
    a la place de ces ensembles devenue ce que nous pourrions appelé au sens figuré du mot la jungle africaine !
    il y avais des champs de blé ,des coquelicot, des bleuet et des chant d'oiseaux .


    https://www.youtube.com/watch?v=xzBjR11MQ6Y


    ▶ 2:31

    https://www.youtube.com/watch?v=S-yOhjB3css
    https://www.youtube.com/watch?v=lDhrdzSqpnM

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  2. Je n'avais pas commenté ce texte la première fois et quand je le relis, j'ai encore les larmes aux yeux. Merci pour ce témoignage sur maman. Il la fait encore vivre et vivre maintenant avec papa. Dans tous ses loisirs, on n'a jamais pu lui faire entendre qu'elle avait le temps mai quand elle avait commencé, il fallait qu'elle finisse dans la foulée (pour certains tricots, elle y aurait passé la nuit).

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